SAMEDI SOIR, 31 mars, à 20 heures 30 : Musique Sacrée : “L’année 1878″. Participation aux frais
1878, naissance d’André Citroën, décès de Vittorio Emmanuelle II et du pape Pie IX, une année somme toute banale, la terre continue de tourner et le monde de s’agiter. Il règne d’ailleurs une grande effervescence à Paris, à l’occasion de l’Exposition Universelle, la troisième dans la capitale.
A cette occasion est construit le Palais du Trocadéro, qui sera ultérieurement démantelé et remplacé par l’actuel Palais de Chaillot. Ce bâtiment démesuré de style mauresque néo-byzantin abrite une immense salle des fêtes de 5000 places, au centre de laquelle trône un grand-orgue de 4 claviers construit par le maître incontesté de la facture d’orgue française de l’époque: Aristide Cavaillé-Coll.
L’orgue, inauguré en août 1878 par Alexandre Guilmant, voit se défiler les plus grands musiciens à sa console au cours de 15 concerts. Nombre d’œuvres seront créées sur cet instrument dont la version la plus connue du Requiem de Fauré (à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900), des oratorios de Gounod, plusieurs œuvres majeures de Franck, Saint-Saëns, Widor (la 6ème Symphonie), etc…
Cet orgue n’avait qu’un seul défaut, il était construit dans un bâtiment de durée limitée dans le temps. A la démolition du Trocadero, en 1937, l’orgue est remonté par la maison Gonzalez au Palais de Chaillot, puis, depuis 1977 à l’auditorium Maurice Ravel de Lyon.
Mais revenons à l’été 1878. Au cours de la saison de concert qui se déroule jusqu’à la clôture de l’Exposition Universelle, on entendra notamment un récital de Camille Saint-Saëns le 28 Septembre, puis de César Franck le 1er Octobre, où il fera entendre « Les 3 pièces » expressément écrites pour l’occasion : Fantaisie en La Majeur, Cantabile, Pièce héroïque.
César Franck, est alors titulaire à l’église Sainte-Clotilde à Paris, dont l’orgue est justement un Cavaillé-Coll. Il connaît donc très bien le style du facteur et avec ses 3 pièces, il sait pleinement tirer parti des sonorités et de la couleur symphonique de l’orgue du Trocadéro. Il y déploie donc une écriture très orchestrale qui n’est pas sans rappeler ses poèmes symphoniques, jouant sur les effets de masses, les oppositions et les contrastes, d’où prennent naissance des mélodies puissantes dont l’harmonie fait chanter toute l’étendue des claviers.
On l’aura compris, cette exposition universelle est une fête sans pareille, pourtant, à côté de ces événements de portée internationale, la vie locale continue, avec ses joies et ses peines, son anonymat et son labeur quotidien. Et c’est dans une discrétion toute simple que sera créé le Requiem de Camille Saint-Saëns, le 22 mai, à l’église Saint-Sulpice, sous la direction du compositeur, Charles-Marie Widor tenant les orgues. Ce Requiem résulte d’une amitié avec Albert Libon, directeur général des Postes, qui lui légua 100 000 francs à sa mort survenue l’année précédente, le 20 mai 1877, afin qu’il puisse lui écrire un requiem mais surtout se consacrer à la composition et se dégager des charges d’organiste de la Madeleine – chose qu’il venait d’accomplir fortuitement le mois précédent en donnant de lui-même sa démission. Et c’est en avril 1878 que Saint-Saëns va se retirer en Suisse pour mettre à exécution cette requête testamentaire et composer le Requiem en seulement quelques jours.
Et en cette fin de printemps 1878, la grande histoire côtoie la petite, Saint-Saëns va vivre les jours les plus dramatiques de son existence, alors qu’à côté, la fête bat son plein, tambours et trompettes résonnent à l’Exposition Universelle tandis que sonne le glas dans le cœur de l’homme. Le 28 Mai 1878, moins d’une semaine après la création quasi anonyme du Requiem, le petit André, 2 ans et demi, franchi la balustrade de l’appartement parisien et décède après une chute de 4 étages. Dix jours plus tard, le 6 juin, Camille Saint-Saëns devra faire bonne figure sous les feux de la rampe tandis que sa cantate Les Noces de Prométhée est exécutée par 350 musiciens lors du concert d’inauguration du Palais du Trocadéro. Un mois après, le 7 juillet, le petit Jean-François, frère d’André, est malade et disparaît lui aussi, il n’avait que 7 mois. Ses deux seuls enfants perdus en quelques semaines, la douleur est intense et pourtant, la terre continue de tourner, il doit assurer ses récitals, tenir ses engagements de compositeur et participer malgré lui à cette frénésie autour de l’orgue du Trocadéro. Ainsi va le monde, l’Histoire s’écrit au-delà du quotidien, nous ne faisons que passer et la vie continue de s’écouler, le temps a pour lui l’éternité, c’est bien le seul…
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Henri Pourtau, Orgue
Chœur de Notre-Dame de Bon Voyage
The 1878 Orchestra
Liesel Jürgens, soprano
Sandra Mirkovic, Contralto
Elio Ferretti, Ténor
Ioan Hotenski, Basse
Stéphan Nicolay, Direction